Le lac Titicaca est partagé entre le Pérou et la Bolivie. C’est l’endroit que nous avons choisi pour débuter notre voyage. Nous voulons prendre notre temps et ça tombe bien: à 3800 m d’altitude, pas question de courir !
Le lac Titicaca est immense, entouré de montagnes arides et de quelques sommets enneigés qui tombent à pic dans ses eaux bleu foncé. Nous nous posons à Copacabana, une petite ville de villégiature sur les rives du côté bolivien, à trois heures de route de La Paz. Sur la plage, d’anciens pêcheurs proposent un tour en petite barque à voile typique. Le gréement est archaïque, bouts de bois, cordages effilés et voile rafistolée, mais on avance bien et faire de la voile à 3800m au-dessus du niveau de la mer est quelque chose d’assez fantastique.
À partir de Copacabana, deux îles importantes peuvent être visitées: Isla del Sol et Isla de la Luna. La première est, selon la légende, le lieu de naissance des fondateurs de la dynastie Inca. Elle se situe à deux heures de bateau de Copacabana, mais aussi, une ballade de 15 km à pied permet de s’en approcher. C’est l’option que nous choisissons, histoire de faire un peu d’exercice en altitude en vue d’un prochain trek. Le chemin longe les berges en passant par plusieurs petits villages très tranquilles, rencontrant parfois une plage de sable fin. Je tente une baignade, mais arrivé aux genoux, je rebrousse chemin : malgré son air invitant, l’eau est décidément trop froide. Les premières côtes sont rudes et mettent notre souffle à l’épreuve, nous ne sommes pas encore acclimatés. Nous arrivons en milieu d’après-midi à Yampupata, d’où une lancha (bateau à moteur) nous fait traverser jusqu’au village principal d’Isla del Sol, Yumani. Aucune voiture sur l’île, uniquement des ânes et des lamas, l’atmosphère y est calme et tranquille, on commence à se croire en vacances. Mais surprise, le village est plus haut sur la coline ; 200m de dénivelé supplémentaire à 4000m, ça compte! À 18 heures, la nuit tombe et vient le froid, nous sommes contents de trouver un lit. Quatre couvertures ne sont pas de trop. L’eau chaude, il n’y en a pas, tant pis, la douche attendra.
Il faut une bonne journée de marche pour traverser l’île du Sud au Nord. Les paysages dénudés, presque lunaires sont à couper le souffle, et juste le bruit du vent pour nous accompagner. Au nord se trouvent la Roca Sagrada, une pierre marquant le lieu de naissance de Manco Capac et surtout le Laberinto Chincana, nos premières ruines Inca. Ce ne sont pas les plus impressionantes, mais à flanc de colline, surplomblant une plage de sable blanc baignée d’une eau turquoise, elles méritent le détour. Le chemin continue ensuite jusqu’au village de Challapampa, où il n’y a guère mieux à faire que flâner et se poser sur la plage pour profiter du moment : les barques multicolores des pêcheurs sur le sable, les enfants qui jouent dans l’eau glacée du lac… Mais la beauté du lieu ne nous fait pas oublier que la vie sur l’île est rude : à quelques mètres de nous, une femme attend près d’un cormoran malade qui agonise ; une fois mort, il sera dépecé et fera office de repas. Nous éviterons le poulet ce soir…
Le lendemain, nous retournons en bateau vers Copacabana, le temps d’un jeu de cartes avec trois péruviens natifs de l’île mais travaillant à La Paz (et sachant encore mieux tricher que moi). C’est dimanche, jour du marché. Il attire tous les habitants des environs. Les femmes avec leurs vêtements colorés, nattes et chapeau melon vendent leurs produits dans les rues : fruits, légumes, poissons (les truites du lac sont une spécialité) et certaines disparaissent derrière d’énormes sacs de maïs soufflé qui se vend au kilo. Devant la cathédrale, les camions, bus et voitures se font bénir. Toute la famille est présente et selon les moyens, les véhicules fleuris et décorés sont « baptisés » avec de la bière ou du mousseux.
On a eu du mal à se décider à partir vers Puno, de l’autre côté du lac, au Pérou, tant ce premier contact avec la Bolivie nous a enchanté. Mais il est temps de bouger car nous avons un planning assez serré jusque mi-octobre pour des raisons météo. Il n’y a que quatre heures de bus jusque Puno, mais le côté péruvien est beaucoup plus touristique. Les îles ne manquent pas d’intérêt mais elles sont très (trop à notre goût) dépendantes du tourisme. Les îles flottantes d’Uros nous donnent l’impression d’un parc d’attraction. Ainsi, nous préférons ne pas visiter ces « incontournables » et partir en direction de Cusco et la Vallée Sacrée. Le train nous attend, à bientôt.
Coup de coeur : Le Yavari
À Puno, un ancien navire de la marine péruvienne a une histoire assez particulière : importé en pièces détachées d’Angleterre en 1862, il fut monté à dos de mules jusqu’au lac Titicaca pour y être assemblé, en 8 ans. Racheté et restoré par une association, le Yavari offrira bientôt des croisières de luxe sur le lac. Plus de détails sur : www.yavari.org
Article paru dans Pax Nouvelles (ex. Express Voyage) le 24 octobre 2005.