La traversée de l’Atlantique à la voile

Nous cherchions à terminer notre voyage en beauté et, l’idée de monter dans un avion et de se retrouver quelques heures plus tard à Paris nous paraissait un peu trop «brutale». Rentrer en bateau, à la voile, en prenant le temps de voir la fin du voyage arriver nous a paru être un bon moyen.

J’avais pour ma part une bonne expérience en voile; Karine, de son côté, n’était montée que quelques fois sur un voilier mais, motivés par cette expérience hors du commun, nous avons recherché un embarquement sur Internet, tout simplement, et après quelques semaines, nous avions l’embarras du choix.

Le bateau
Vaïmiti, un ketch (deux mâts) de 16 mètres, était à convoyer de la Martinique à la Bretagne avec une escale aux Açores. L’équipage était composé de Jacques, skipper professionnel, Vanessa, installée en Martinique depuis cinq ans qui rentrait en France, et nous deux. Quatre personnes sur un bateau de 16m, ça laisse de la place; en contrepartie, tout le monde est constamment sur le qui-vive pour manœuvrer et s’occuper du bateau.

 

S’amariner
Avant de s’attaquer à la grande traversée, nous avons pris notre temps dans les Antilles, histoire de s’habituer au bateau et à la mer. En trois semaines, nous sommes remontés de la Martinique à Saint-Martin, en passant par la Dominique, les Saintes et la Guadeloupe. Les Saintes, et de loin, fut notre escale préférée. Une baie tranquille, un village superbe, des gens accueillants; une destination à retenir dans cette myriade d’îles que nous avons croisées. Saint-Martin fut surtout une escale technique: dernières réparations, avitaillement, plein d’eau, plein de gasoil, dernier restaurant, dernier pied-à-terre et c’est parti!

La traversée, entre calmes et tempêtes
Vivre sur un bateau demande une certaine organisation. Il y a les quarts de veille, pour garder un œil sur le vent et les cargos qui auraient la mauvaise idée de vouloir rentrer en collision avec nous; les jours de corvée où, à tour de rôle, on essaie de rassasier l’appétit de l’équipage et faire la vaisselle sans rien casser; les manœuvres qui demandent généralement tout le monde sur le pont pour un bateau de cette taille; et puis la pêche, la météo, le routage et enfin la lecture (14 romans lus pour ma part) et les siestes!!

Ça c’est quand tout se passe bien… Car il y a des moments plus durs, quand le moteur, le groupe électrogène et le pilote automatique tombent en panne le même jour par exemple. Sans pilote, la vie à bord est devenue nettement moins relaxante. Il nous fallait barrer sans arrêt, six heures chacun par jour, des fois avec plaisir quand le vent souffle fort, beaucoup moins lorsqu’il tombe et que l’on essaye en vain de neutraliser le roulis…

Autre contrainte: vivre en promiscuité pendant de longues semaines demande de faire des compromis. Les détails les plus insignifiants de la vie quotidienne prennent facilement une ampleur démesurée sans qu’il soit possible de s’isoler ou d’aller faire un tour pour se changer les idées.

Et puis il y a toujours de la casse sur un bateau durant une transatlantique: poulies arrachées, voiles déchirées, fuite d’eau douce… Autant de problèmes plus ou moins graves qu’il faut savoir réparer en route avec les moyens du bord, et c’est certainement là où l’expérience du skipper et la préparation du bateau sont primordiales à une traversée en toute sécurité.

Une grande surprise de la traversée fut la quantité d’animaux croisés. Chaque jour, nous étions escortés par un ou plusieurs bancs de dauphins. Les baleines nous rendaient régulièrement visite. Les eaux calmes nous permettaient de surprendre de grosses tortues de mer dormant à la surface, ou des requins tournant autour du bateau. Il était surprenant de trouver au milieu de l’océan autant d’oiseaux comme des hirondelles de mer, des pétrels et des albatros. Autres compagnons de route, les méduses, en particulier les « méduses à voile » que nous avons vues par millions.

Nous sommes passés de calmes plats, où l’océan ressemblait à une mer d’huile, à des tempêtes de Force 8 avec des vagues de cinq mètres déferlant tout autour de nous. Il nous a fallu 23 jours dans ces conditions pour rejoindre les Açores. Mais arrivés en fin de soirée au large du port de Horta, et toujours sans moteur, nous avons dû attendre en tirant des bords jusqu’au petit matin pour qu’un bateau vienne nous remorquer à quai. Jamais nous n’avons été aussi impatients de voir le jour se lever.

Les Açores
Ah, les premiers pas sur la terre ferme, la première douche chaude après trois semaines, la première nuit de plus de quatre heures, la première bière chez Peter… Les plaisirs d’une escale aux Açores sont nombreux. C’est un passage presque obligé lors d’une transatlantique à la voile, pour effectuer d’éventuelles réparations, faire le plein d’eau, de nourriture et de gasoil et permettre à l’équipage de se dégourdir les jambes. En dehors des navigateurs, l’archipel des Açores attire peu les touristes alors que les îles ont beaucoup à offrir: paysages volcaniques à la végétation dense et variée, observation des dauphins et baleines, calme, accueil et gentillesse de la population locale. C’est une destination européenne qui mérite d’être découverte.

Nous avons passé deux semaines à Horta, le principal port de plaisance de l’archipel, dans l’attente que notre moteur soit de nouveau opérationnel. Après cette longue escale, nous avions hâte de reprendre la mer.

Vers la Bretagne
11 jours de navigation nous ont suffi pour cette deuxième étape. Plus encore qu’à l’approche des Açores, nous étions impatients de voir la côte. Et nous scrutions à tour de rôle l’horizon à la jumelle, prêts à crier « Terre » au moindre doute. Sentiments mitigés tout de même car le pied posé à terre signifiait aussi la fin de ce voyage.

Autres faits marquants…
– Pensée profonde un jour sans vent: « c’est quoi l’idée de traverser l’Atlantique à 4 km/h ? »
– Se baigner au milieu de l’océan par 5000 m de fond (33’48 de latitude Nord et 52’49 de longitude Ouest)
– Nombre de mains nécessaires sur un bateau: quatre (une pour tenir la tasse de thé, deux pour beurrer les tartines et une pour s’accrocher)
– Comble de la malchance pour un poisson volant: atterrir sur le pont d’un bateau dans l’immensité de l’océan.

Pour embarquer
Nous avons été surpris de l’éventail des possibilités pour embarquer en tant qu’équipier sur un voilier. Bien entendu, une expérience de voile est souvent bienvenue mais pas toujours nécessaire. Pour un peu que l’on ait le temps et surtout la motivation, on pourrait parcourir le monde de cette façon.
Quelques sites à visiter:
http://equipiers.relais-voile.net
http://www.bateauxonline.fr/bourseequipier
http://www.mesequipiers.com

Article paru dans Pax Nouvelles (ex. Express Voyage) le 27 juin 2006.

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