Iquitos est la porte d’entrée de l’Amazonie au Pérou. La ville n’est reliée au reste du pays que par bateau ou avion, et en arrivant à Iquitos, on a l’impression d’avoir changé de pays tant tout est différent : la chaleur étouffante, le bruit incessant des motos-taxis, et surtout les habitants qui ressemblent plus à leurs proches voisins brésiliens qu’à leurs compatriotes péruviens.
La ville s’est fortement développée au début du siècle dernier grâce au boom du caoutchouc. Les célèbres « Barons du caoutchouc » qui ont fait des fortunes en quelques années ont laissé derrière eux leurs anciennes demeures coloniales aux murs en faïence importées d’Europe. L’atmosphère défraîchie du centre contraste avec le quartier populaire de Belen, et son fantastique marché coloré de tous les fruits tropicaux imaginables (et aussi beaucoup d’autres inconnus), tortues dépecées, cigarettes faites à la main vendues au poids, potions médicinales, piranhas, paiche (le plus gros poisson de l’Amazone pouvant atteindre deux mètres)… Juste à côté se trouve le quartier des maisons sur pilotis surplombant un fleuve asséché, produit par l’aridité touchant fortement toute l’Amazonie en ce moment.
C’est d’ici que nous voulons aller faire un tour en jungle. Les agence spécialisées ne manquent pas, l’une d’elles nous avait été conseillée chez South American Explorer à Cusco : Jungle Explorer. Orlando, un ancien commando qui a combattu contre le sentier lumineux, nous propose une semaine dans le parc national de Pacaya Samiria, une des plus grandes réserves protégées du Pérou. Nous partons le lendemain. L’entrée de la réserve se situe à une journée de bateau, LE moyen de transport en Amazonie. Un premier aperçu de ce qui nous attend pour la suite de notre voyage. Nos hamacs sont installés sur le pont surchargé et nous naviguons jusqu’à Veinte de Enero (20 janvier, qui tire son nom de sa date de création), une communauté de 200 personnes comme il en existe quelques-unes dans la réserve. Nous nous sentons vraiment loin de tout et déjà pas mal en jungle. Elle est autour de nous, à perte de vue. Le village est composé d’une vingtaine de familles vivant autour de la « place », le terrain de football. Ici la vie est simple et paisible, les gens vivent en communauté de la pêche et de l’agriculture. Les parcelles de terre sont allouées à chaque famille en fonction du nombre de bouches à nourrir. Nous dormons dans nos hamacs, sans oublier la moustiquaire, sur la terrasse réservée aux invités de la maison de Hitalo, le guide local qui nous accompagnera. Dans la nuit, une des filles de la maison accouche d’un petit garçon, sans que nous nous en rendions compte, on n’apprendra la bonne nouvelle qu’au lever du jour.
Le lendemain, c’est le départ en pirogue à moteur pour remonter la rivière Yanayacu sur une trentaine de kilomètres, jusqu’à ce que le niveau de l’eau ne nous permette plus d’aller plus loin. Ensuite, le but du jeu est de redescendre avec une plus petite pirogue, à la rame pour avoir plus de chances de voir des animaux. Nous avons emporté un minimum de nourriture de base, il faut donc pêcher et trouver de quoi manger dans la jungle tous les jours. Pour ce qui est de la pêche, il suffit d’une heure pour attraper suffisamment de piranhas pour un repas. Les cœurs de palmiers font un bon légume d’accompagnement, à raison d’un arbre par repas, l’équivalent de trois boîtes de conserve. Et une tortue qui a malencontreusement croisé notre chemin fera une excellente soupe.
Orlando est un spécialiste de la survie en jungle. Il nous apprend à repérer les racines qui une fois coupées donnent un bon litre d’eau pure et fraîche, les arbres dont l’écorce frottée sur la peau calment les piqûres de moustiques, et les autres à éviter. Les moustiques, parlons-en ! Présents du soir au matin, ils nous font manger debout, une main pour tenir l’assiette, l’autre pour les chasser, sauter dans le hamac-moustiquaire en un temps record et porter bottes, pantalon et manches longues malgré la chaleur. Mais ce ne sont pas les seuls représentants de la faune locale. On se baigne entouré de dauphins roses, les singes hurleurs se réveillent à la tombée du jour, une anguille électrique attend la pluie dans un trou d’eau, les oiseaux-mouches, aigrettes blanches et martins-pêcheurs nous accompagnent le long de la rivière. Nous avons aussi vu des anacondas, dont un mort depuis peu, apparemment tué par un jaguar. Pour ce qui est des caïmans, c’est la nuit que l’on part à leur recherche. En pirogue, en longeant les rives. Leurs yeux rouges qui se reflètent à la lumière d’une lampe torche les trahissent. L’approche se fait le plus discrètement possible, mais les plus grands ne se laissent pas attraper et nous n’avons pu voir que des bébés d’une cinquantaine de centimètres.
Un autre aspect intéressant de la vie dans la jungle est toutes les croyances et légendes qui circulent ici. Les Curanderos, soigneurs, savent utiliser toutes les plantes et racines de la forêt pour soigner une quantité de maux, les mêmes plantes qui sont souvent à la base de nos médicaments occidentaux. Par contre, cela n’empêche pas notre guide de nous demander des cachets contre son mal de ventre et d’autres pour adoucir sa rage de dents. Nous lui donnons de bon cœur en lui demandant pourquoi il n’utilise pas les plantes dont il nous parle, « Les effets de vos cachets sont plus rapides » nous répond-il, un peu vexé.
Une légende intéressante du coin est la Puragua. Sorte de monstre du Lochness local, c’est un anaconda énorme pouvant atteindre 25m de long et 4m de large, capable de soulever des bateaux de plusieurs tonnes et engloutissant la terre et les arbres entourant ses proies, en une seule bouchée. Légende, elle ne l’est qu’à nos yeux tant personne ici ne remet en question sa véracité. Orlando connaît de nombreuses personnes en ayant vu, et rêve de monter une expédition à la recherche de ces monstres vivant dans les profondeurs des fleuves de l’Amazonie.
De retour à 20 de Einero, nous regardons sur une carte l’infime partie du parc que nous avons explorée, le parc lui-même ne représentant qu’une minuscule partie de l’Amazonie. Nous allons prochainement nous rendre compte de son immensité en la traversant en bateau de Iquitos jusqu’a Belem, sur la côte Atlantique.
CONTACT
Jungle Explorer : Orlando peut organiser toute sorte d’expédition en jungle, d’une journée à plusieurs semaines, en luxueux lodges ou en hamacs.
Putumayo 263, Iquitos, Perou. Jungleexploreroe@hotmail.com
Article paru dans Pax Nouvelles (ex. Express Voyage) le 14 décembre 2005.